EDK Records : CD avec livret de 12 pages
Date de sortie : 25 mai 2020
Production : Gene Clarksville / Stéphane Dambry / Johan Asherton
Par Susan Jane Lomas
« Passiontide » de Johan Asherton contient dix nouvelles compositions originales, magnifiquement conçues et jouées, pour votre plus grand plaisir ! Il s’agit du premier album studio solo de Johan depuis « The House Of Many Doors » d’inspiration folk en 2012. À bien des égards, « Passiontide » fait suite à son projet de groupe bien accueilli en 2015, « Johan Asherton’s Diamonds », qui offrait un aperçu sophistiqué de la scène rock et pop parisienne du moment. Des compositions comme « Nightfall », le premier single de « Passiontide » , auraient pu facilement cotoyer les chansons du projet Diamonds.
Les musiciens avec qui Johan a choisi de travailler cette fois sont issus de la scène musicale normande. On y retrouve son fidèle collaborateur, Stéphane Dambry (The High Lonesomes) , ainsi que Gene Clarksville (Dogs, Roadrunners…) responsable de la production de l’album aux studios The Barn et La Grotte, en Normandie. Le niveau de musicalité tout au long de l’album est impeccable, comme toujours avec Asherton et ses amis. Sarah Barnwell, (précédemment entendue sur « The House Of Many Doors ») revient pour ajouter des embellissements de violon à plusieurs chansons. Les chœurs de Bénédicte Fleutry et Eva Dambry-Royou sont magnifiquement placés, un fleuret féminin léger pour les riches tonalités “basso profundo” de Johan.
Pour ceux d’entre nous qui apprécient les pochettes d’albums évocatrices, les photos de nos artistes préférés et les textes clairement imprimés, le livret qui accompagne la version CD de « Passiontide » coche bien toutes ces cases. Une mention spéciale donc pour les photos de Johan prises par Stéphanie Lefebvre et à Pascal Blua pour l’élégante conception de l’emballage et du livret.
La première chanson de « Passiontide » intitulé « Rainbeaux » met en scène l’un des nombreux centres d’intérêt de Johan, les stars de cinéma d’antan qui ont foulé « Le Boulevard des Rêves brisés ». Cette chanson est un hommage à Cheryl « Rainbeaux » Smith, une actrice de B-Movies qui a acquis son surnom du club qu’elle fréquentait à Los Angeles:
“The story unfolds and the plot is thin, your angelic face frozen in a blur…”
Une photographie en noir et blanc, capturant parfaitement la beauté éthérée de Mlle Rainbeaux, accompagne les paroles de la chanson. L’arrangement musical comporte des guitares électriques, violon, et un battement régulier et insistant de percussions. Un chœur simple, presque innocent, contraste avec l’ambiance de sombre pressentiment dans le texte. Une séduisante entrée en matière.
Le genre folk-pop, avec un soupçon d’Americana, est bien représenté sur ‘Passiontide’. « We Never Spoke » (chanson 3) m’a rappelé les airs des années 1980/1990 de R.E.M. et ma seule critique de « We Never Spoke » c’est que je souhaite que ça se passe plus longtemps, c’est tellement accrocheur ! « The Stranger That Nobody Sees » (chanson 2) a une mélodie très agréable et une structure classique de huit lignes de vers/quatre lignes de choeur. Un soupçon de méfait plane ici, alors que Johan semble intrigué par un mystérieux étranger:
“But If you would only reconsider me, you’d find me on my knees…”
L’arrangement très simple, piano et voix, de « Behind Closed Doors », met en valeur le chant de Johan et sa capacité à évoquer une atmosphère avec des mots soigneusement choisis. L’histoire n’est pas explicite, l’auditeur est libre d’interpréter les paroles et la situation comme il le souhaite. Gene Clarksville interprète une mélodie de piano d’une beauté envoûtante sur cette chanson.
J’imagine que si cet album sortait en vinyle, le rock’n’roll quelque peu agacé de « Torment » (chanson 5) refermerait la première face. Il y a ici un air de famille avec ‘Lonely Feeling’, une des chansons “up tempo” de l’album « Johan Asherton’s Diamonds ». La section rythmique de Loïc Kohler (basse) et Cédric David (batterie) tourne rond sur ‘Torment’ et son imagerie plutôt singulière :
“You’re like ants in my tea … the drill of your night calls…”
Cela nous amène à la seconde moitié de « Passiontide » et à un ensemble de chansons plus contemplatives, à commencer par « Nightfall ». Une berceuse chantée par Johan à une amante mystérieuse et errante. La musique coule merveilleusement, chaque couplet ajoute un autre niveau à l’histoire, le chœur est hypnotique. Sébastien Tricart a réalisé un élégant clip (visible sur YouTube) pour illustrer cette chanson. La vidéo met en scène Johan dans un rôle d’acteur avec son amie et complice, Primael Moreau :
“One by one the shadows around my heart flutter out into the cold…”
« When The Penny Drops » (chanson 7) est une composition énigmatique: cinq couplets, pas de refrain. La chanson est construite autour des mots dans le titre, une phrase traditionnelle britannique qui signifie une réalisation soudaine ou une révélation. Johan jouit de telles expressions familières qui apparaissent dans bon nombre de ses chansons. Celle-ci est-elle autobiographique ? Et tous ces secrets que l’on cache avec soin ? Quand choisissons-nous de les révéler ? L’orgue Hammond ajoute une couche supplémentaire de mystère, tout comme quelques pétales de guitare électrique.
J’ai tout de suite su, en regardant les textes, que « Creased » (chanson 8) paraissait particulière. Johan lui-même a récemment choisi la phrase suivante de « Creased » pour servir de sorte de sous-titre à l’album:
“Some men are made full of regrets, most are made of pain…”
J’aime la façon dont Johan commence chaque couplet comme un poème parlé, de sa voix incroyablement profonde, pour se glisser ensuite dans une sorte de pont chanté, mélodique.
J’entends des échos de Leonard Cohen dans la voix de Johan et aussi le célèbre « Coney Island Baby » de Lou Reed dans l’arrangement musical. L’histoire d’un amant fuyant une liaison qui a fini son cours est ici racontée sur un accompagnement de violophone quasi ambiant (Frédérick Jouhannet) et rehaussé par l’excellent jeu de contrebasse d’Alice Bassié.
L’avant-dernier morceau de l’album, intitulé « Casanova », suit magnifiquement avec ses guitares espagnoles, sa guitare électrique envoûtante, et ses percussions ensoleillées. La superposition d’instruments et de voix sur cet enregistrement est superbe. Félicitations à Thierry Minot qui a fait la mastérisation de tout l’album.
Ainsi, le thème de l’album « Passiontide » de Johan Asherton est en effet la passion, mais à plus d’un titre. Dans le calendrier de l’église chrétienne, Passiontide est le nom donné aux deux dernières semaines de Carême. C’est un temps de contemplation avant la fête de Pâques. Dans cet album, Johan nous donne des chansons qui commentent la passion terrestre, peut-être une vague de passion ou le reflux et le flux de la passion. Mais la passion peut aussi signifier la souffrance, comme dans La Passion du Christ, ou un engagement envers la foi. Dans une vie vécue au maximum, il y a toujours des regrets aussi, naturellement.
La dernière chanson de l’album, également la chanson-titre, décrit la passion universelle de la recherche des réponses ultimes, pour l’amour qui ne se refroidit jamais et pour une foi qui nous soutiendra au fil des ans. Il est réglé sur un arrangement musical qui commence avec la voix de Johan accompagnée d’un piano classique (Gene Clarksville) et devient progressivement complété par la contrebasse, claviers et percussions :
“And as you were ready to go / You reminded me of / What they call the leap of faith / Perhaps an act of love…”
« Passiontide » est un très bel album et je vous recommande vivement de le découvrir par vous-même.
Renseignements et commandes : asherton.hinah.com